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L’histoire familiale en héritage : 5 besoins, 5 étapes

On ne dira jamais assez comment l’histoire familiale représente un trésor tant pour notre descendance que pour le Québec compte tenu de notre position particulière en Amérique du Nord. Sa réalisation doit répondre à cinq besoins fondamentaux et franchir cinq étapes.


Coffre contentant des photographies
Photographies anciennes

À la mort de ma mère, ma famille a conservé des objets et des documents que nous avons répartis entre nous avec promesse de leur insuffler une nouvelle existence. La plus jeune a recueilli d’anciens enregistrements vidéo pour les transférer sur une technologie récente. Les deux plus âgées ont accueilli chez elles les tableaux et les estampes que notre maman artiste avait réalisés avec mission d'en faire profiter les neveux et nièces, à défaut de les vendre ou de les céder à des organismes. Je me suis vu remettre les lettres, cartes postales, lithographies vieillottes et photographies. Depuis quatorze ans, l’ensemble a dormi au fond de nos garde-robes.


La vie étant un coup de dés jetés tous les matins, notre horloge biologique nous signale qu’il nous reste moins de temps devant qu’avant. Il m’a été suggéré de me presser un peu pour numériser les photos et composer un narratif qui les accompagne.


Autobiographie versus histoire familiale


Manquant d’expérience dans ce domaine, j’ai consulté ce qui se dit sur les autobiographies parce qu’elles s’apparentent à la démarche que je m’apprête à entreprendre. Beaucoup ont voulu profiter de la pandémie pour écrire sur eux-mêmes. Dans Le Devoir du 4 janvier 2021 [1], les paroles rapportées d’un psychologue sur ce sujet font écho à mon projet.


« C’est une forme de réappropriation qui passe par le langage, par un rapport personnel aux mots. »

Ou encore ces paroles de Janette Bertrand :

« C’est l’histoire intime de la vie au Québec, sur 100 ans. C’est tellement nous autres ! »

Dans le cas des autobiographies comme dans celui des histoires familiales, des entreprises offrent une rédaction et publication clé en main. Sans surprise, je déniche également de nombreuses propositions d’ateliers et de modèles d’accompagnement. La clientèle s’enthousiasme, mais tous n’ont pas le talent ni la détermination pour produire un résultat consistant et agréable à lire.


5 besoins


On ne dira toutefois jamais assez comment l’histoire familiale représente un trésor tant pour notre descendance que pour le Québec compte tenu de notre position particulière en Amérique du Nord. L’envie d’écrire l’histoire familiale répond à cinq besoins plus altruistes qu’un simple regard narcissique sur ce qui nous a construit [2] :


  • Témoigner d’une époque

  • Transmettre la mémoire familiale

  • Renforcer le lien affectif intergénérationnel

  • Établir les marques identitaires pour les générations suivantes

  • S’inscrire dans l’Histoire


À la différence d’une autobiographie, l’histoire familiale exclut le « je ». N’empêche, difficile d’échapper au point de vue du narrateur, moi en l’occurrence, une femme qui a subi l’influence des années hippies, de la guerre froide, des manifestations de mai 68, de la révolution des styles musicaux, des secousses sismiques dans les domaines des sciences, de l’information et de l’informatique. Ma principale préoccupation est de dissocier ma perception de l’époque actuelle du contexte des générations précédentes pour me retenir de juger et en respecter la valeur, communiquer à notre descendance d’où elle vient et où le vent nous mène.


5 étapes


Ce n’est pas tout d’avoir de la facilité à rédiger, je dois m’adapter aux lecteurs et lectrices à venir. Dans le cas de situations contemporaines, la crainte de blesser mes sœurs ou de réanimer le souvenir d’épisodes douloureux freine mon inspiration. Surgit le syndrome de l’imposteur. Pourquoi serais-je la plus apte à rassembler, traduire et léguer tout cet héritage ?


Plusieurs conseillent de concevoir une œuvre collective, ce qui sous-tend de parvenir à coordonner des personnes aux responsabilités et aux agendas divers. Tous ne cultivent pas le même intérêt. Le spectre est large entre la passion et l’indifférence au moment d’organiser des rencontres et divers moyens d’échange. Dans mon cas, je n’entretiens aucune illusion. J’assume et je déverse devant moi toutes les pièces du casse-tête à reconstituer. Une fois la boîte de morceaux renversée sur la table, quelle méthode suivre ? Elle se décline en cinq étapes :


  • Vision et modalités

  • Recherche et validation

  • Tri et structure

  • Écriture

  • Mise en forme et partage


Vision


En fait de vision, je vise la modestie : à partir des photographies dont nous disposons, je désire livrer aux membres de ma famille un paysage réaliste de nos racines et de notre déploiement dans le but de procurer le plaisir de connaître nos sources et nos accomplissements.


Recherche et validation


Un incontournable : la recherche documentaire préalable et la validation des proches [3]. Sur ce point, je possède un avantage. Mon mari, un fervent de généalogie, m’a déjà fourni une bonne partie des renseignements. Pour ce qui est des souvenirs et anecdotes racontés par les parents, mes sœurs et moi en sommes les dernières dépositaires, ce qui constitue un atout. Je pense en vérifier l’exactitude en fin de parcours au moyen d’un fichier le plus complet possible qu’elles pourront confirmer, modifier, infirmer. J’avancerai ainsi plus vite et j’éviterai de fixer, reporter, annuler des rendez-vous.


Tri et structure


Lignées, branches, personnages importants, lieux d’établissement, profession et métier, échec et succès, loisirs s’entremêlent dans les caisses comme des nouilles à spaghetti. Je me doute que le plan parfait n’existe pas. Personne ne peut deviner quel effet auront mes trouvailles sur l’organisation de la matière. Je me suis dotée d’un plan de base très linéaire : 19e siècle à aujourd’hui. Donc, les arrière-grands-parents, les grands-parents, nos pères et mères, notre jeunesse et l’âge adulte.


J’ai vite senti la nécessité de séparer l’enfance, l’adolescence et les années de maturité pour chaque individu. En tentant de placer les photographies dans un document sous des titres leur correspondant, je me suis aperçue que je ne pouvais pas occulter les lieux et les événements. Ils sont donc devenus des sous-ensembles. Force m’est de constater qu’un plan trop figé oblige à dupliquer les titres et à forcer un remplissage ennuyeux pour certaines branches de la famille. La flexibilité se justifie à condition de ne pas engendrer un récit déstructuré. Un plan chronothématique me paraît le plus approprié [4].


Ma famille n’est pas la seule à poursuivre cette quête de vérité ancestrale. En 2023, la Fédération québécoise des sociétés de généalogie a créé le Prix littéraire Roland J. Auger, une bourse de 1 000 $ accordée chaque année, pour récompenser un·e membre d’une société de généalogie et auteur ou autrice d’un ouvrage. Je n’en ai pas l’ambition et je ne remonterai pas jusqu’à Mathusalem, soit des premiers colons partis de Saint-Malo à l’installation en Nouvelle-France. Je me limite aux clichés qui datent des balbutiements de la photographie, me servirai de recensements, d’actes de naissance, de mariage et de décès, de correspondance, de relevés scolaires, d’articles de journaux. Tout a été scanné pour cet usage. Ma documentation étant malheureusement pêle-mêle dans des sacs et des boîtes, je classe selon le plan temporaire et évolutif que je me suis donné. Pour quelqu’un qui a hâte de se mettre à écrire, c’est plutôt gazant et c’est un euphémisme.


Écriture


J’écarte le genre de la docu-fiction, le mandat que mes sœurs m’ont confié n’étant pas de cet ordre. Je m’appuie sur les albums de photographie pour libérer la mémoire. Je me collerai aux faits comme un juge à qui on soumet les preuves en y ajoutant une touche personnelle découlant des récits qui circulent entre nous. Comme je ne m’adresse pas à des spécialistes de généalogie, je ne verserai pas dans le savoir encyclopédique, mais je m’en tiendrai au plus près de ce que notre famille a vécu. Mon souci est de demeurer objective. Me permettrai-je de dramatiser ou au contraire d’y glisser de l’humour et de l’autodérision ? Le secret réside certainement dans le ton, le style et la longueur. Par ailleurs, je me promets de museler mon imagination pour pallier l’absence de données.


Comme un tricot que l’on défait, on tire un premier fil et toutes les mailles se dénouent une à une :


  • historiettes entendues de bouche à oreille, anecdotes amusantes ou récits émouvants qui m’ont marquée

  • ieux, jouets et objets qui ont compté

  • fêtes et traditions

  • personnes mémorables, etc.


Je ne bouclerai le projet que lorsque j’aurai mouliné le texte dans Antidote pour éliminer les coquilles, les erreurs d’orthographe, de ponctuation et de syntaxe.


Partage


La forme et le partage : une petite-cousine éloignée férue de généalogie a publié une édition limitée en deux fascicules distribués dans son cercle familial. Ce choix épargne aux lecteurs d’interminables listes de dates, de lieux et d’événements, dégage l’espace pour le contexte historique et sociologique. D’autres optent pour la création d’un site web, la tenue d’un blogue, la publication chez un éditeur.


Je préfère couper dans les coûts en versant d’une part les photographies dans un dossier enregistré sur des clés USB que je distribuerai. D’autre part, deux fichiers accueilleront le narratif, l’un modifiable et l’autre sécurisé, que je logerai chez un fournisseur de services nuagiques, le premier destiné aux quatre branches de la famille qui pourront enrichir le document selon leurs besoins et le deuxième pour figer dans le temps l’ensemble de notre histoire à une date donnée.


Pour finir, deux références :

SOULA, Hélène, Écrire l’histoire de sa famille. Éditeur Eyrolles. 2012

GUIDOU, Gwen. Raconter son histoire familiale. Éditeur : Archives et culture. 2015


Autre source

GénéaChat, 11 février 2020, Écrire son histoire familiale dans un livre. GénéaTech, https://geneatech.fr/blog/ecrire-son-histoire-familiale-dans-un-livre/


[1] LALONDE, Catherine. Autobiographie, se raconter pour revivre, 4 janvier 2021. https://www.ledevoir.com/lire/592642/livres-autobiographie-se-raconter-pour-revivre


[2] Pourquoi et comment raconter son histoire familiale ? 24 octobre 2024 https://www.laligneclaire-biographies.com/raconter-son-histoire-familiale/


[3] Écrire des mémoires de famille : conseils pour réussir son projet. https://www.librinova.com/blog/ecrire-des-memoires-de-famille-conseils-pour-reussir-son-projet/


[4] LENOBLE, Élise. Écrire l’histoire de ma famille : un nouveau projet. 2014. Mis à jour le 29 décembre 2024. https://www.aupresdenosracines.com/ecrire-lhistoire-de-ma-famille-un-nouveau-projet/

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