5 pièges de l'écriture
- Michele Lesage

- il y a 3 jours
- 4 min de lecture
Pas besoin d’être un réviseur-correcteur expérimenté pour juger de la facilité avec laquelle un texte se lit. Pour qualifier un texte doté d’une excellente lisibilité, on entend souvent l’expression « ça coule bien ». Y parvenir exige de réfléchir aux pièges tendus tout au long de nos rédactions.

Rares sont ceux qui écrivent sans souhaiter être lus. Mon père aurait taxé cette phrase de vérité de La Palisse, tournure absurde tant elle est évidente. Pas besoin d’être un réviseur-correcteur expérimenté pour juger de la facilité avec laquelle un texte se lit. On entend souvent l’expression « ça coule bien ». Dans le cas contraire, le lecteur bute sur les obstacles et ne se rend pas jusqu’au bout à moins que son travail ne l’y oblige.
Pour parvenir à rédiger un texte agréable, nombreux sont les pièges à éviter. En voici cinq.
Piège No 1 : La ponctuation
Dans les livres de référence, on la définit comme un ensemble de signes visuels qui divise un texte selon une logique, soit pour marquer un bref temps d’arrêt, soit une pause plus ou moins prolongée. Sans faire un cours sur la ponctuation, je mentionne en passant la ponctuation
de mot « Ce film est in-con-tour-able »
de phrase « Ce film est incontournable ! »
de texte : un alinéa.
Quelques autres signes bien connus:
la pause (virgule)
la forme (dialogue : ― Viens-tu ? dit-elle)
l'insertion (parenthèses)
l'appel (note de bas de page) [1]
En ces temps de communication numérique, les émojis abondent pour étoffer un message direct formulé avec une économie de mots. Toutefois, dans un texte écrit de plusieurs pages, l’exagération ou la déficience en matière de ponctuation crée des problèmes à la lecture. Ainsi en va-t-il de la multiplication ou de l’absence de virgules, de points d’interrogation, d’exclamation et de points de suspension. Trop de virgules brise le rythme. Trop de points d’interrogation donne l’impression que l’auteur n’a pas assez approfondi son sujet, incapable de fournir des réponses. Trop de points d’exclamation enlève de l’autorité au sens de l’écrit ou l’alourdit par une charge émotionnelle trop grande, comme si on ne prêtait pas assez d’intelligence au lecteur pour qu’il tire ses propres conclusions. Trop de points de suspension démasque un vocabulaire insuffisant pour amener le lecteur au bout de la réflexion ou une paresse dans la composition.
Les guillemets indiquent soit que nous exprimons une certaine réserve à l’emploi des mots utilisés, soit que nous leur ajoutons de la valeur ou un sens précis. Cependant, trop de guillemets présupposent une absence de jugement de la part du lecteur, son inaptitude à comprendre la phrase, à soupeser la valeur des mots. Anecdote : ma mère se servait du soulignement comme équivalence des guillemets dans sa correspondance, ce qui ne manquait pas de m’énerver. Cette manie rabaisse à un niveau d’immaturité la personne à qui s’adresse le message.
Méfiez-vous donc de l’embonpoint ou de l’anorexie en cette matière.
Piège No 2 : La syntaxe
La cascade de prépositions, de compléments et de conjonctions (mais, où, et, donc, car, ni, or) emberlificote le texte.
Exemple : Nous nous sommes arrangés pour nous asseoir où nous le pouvions, soit dans un espace raisonnable car nous portions pas mal de valises, mais nous étions près de la gare de l’est du côté de la frontière, or nous étions morts de fatigue.
La crainte de ne pas être compris motive l’usage de pronoms démonstratifs, mais conduit à des bourdes sympathiques proches du pléonasme.
Exemple : Nous en avons discuté avec le groupe du vendredi. Avec celui-ci, nous avons regardé ensemble les documents déposés.
Piège No 3 : Les caractères
Sachez distinguer la fonction de l’italique et des guillemets. L’usage de l’italique possède ses propres règles. Voir le tableau de synthèse de l’Office québécois de la langue française[2]. Les guillemets, l’italique et les mots en majuscule, s’ils apportent une sorte d’exutoire aux émotions fortes de la personne qui écrit, provoquent le contraire de ce qui est attendu de la personne qui lit, soit de l’irritation et pas le moindre début d’empathie.
Piège No 4 : Le rythme
Si vous désirez casser le rythme de la lecture, les parenthèses (…), les cadratins ―, les incises de tout acabit et la longueur des phrases représentent le plus sûr moyen d’arriver à vos fins. Blague à part, afin d’éliminer ce risque, segmentez vos idées et formulez-les en phrases courtes.
Piège No 5 : Le style
Le logiciel Antidote repère le recours trop fréquent aux formulations passives (Joseph a été frappé par une auto plutôt que : une voiture a frappé Joseph), négatives (ne pas, jamais), impersonnelles (il y a) et participiales (usage de participes présents multiples). Cet outil de révision signale aussi les phrases sans verbe et l’emploi excessif de subordonnées.
Exemple : Mon programme de cette semaine. Je visiterai Sept-Îles lorsque j’irai sur la Côte-Nord que j’aime tant et quand j’aurai le temps qui me fait défaut pour le moment.
Les répétitions irritantes
un même sujet (un pronom, un nom ou un verbe) qui revient à chaque début de phrase
une même structure de phrase (exemple, un complément de lieu), phrases après phrase
les pléonasmes (une surprise inattendue)
la reformulation de la même idée à l’intérieur de plusieurs phrases et d’un même paragraphe.
l’abus de mots charnières (depuis, cependant, toutefois, désormais, en conséquence, etc.)
trop de superlatifs (plus, moins, mieux)
la surutilisation d’adverbes (« assez récemment » : récent ou pas ?) et de participes présents qui entraînent la prolifération du son « en/an »
Une nouvelle génération s’amuse à combiner les points exclamatifs et interrogatifs : ?!!! Pour ma part, peut-être parce que j’ai été formée au siècle précédent, leur vue me fait grimacer. Pourtant, dans la mouvance de cette jeunesse indomptable, je me suis permis trois points d’interrogation dans un message adressé à ma sœur aînée. Elle a vite réagi en m’en demandant la raison. Éduquée à l’époque des règles strictes d’écriture, elle considère avec sagesse qu’un seul suffit. Je me rallie.
[1] Qu’est-ce qu’un signe de ponctuation ? https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/23318/la-ponctuation/quest-ce-quun-signe-de-ponctuation




Commentaires